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Mes réactions à l'actualité politique intérieure et internationale, sociétale, sociale .... .... Avec légèreté, chaque fois que je le peux ! Je fais mienne la formule de Philippe Meyer (Mammifère omnivore) "Nous vivons une époque moderne !"

Un genou à terre.

     A la Une du Monde le 11/06/2020

Ce geste est devenu le symbole de la dénonciation d'un crime, celui commis à Minneapolis (Minnesota) le 25 mai, dont la victime est un afro-américain de quarante-six ans. Ce mouvement parti des Etats-Unis, a très rapidement pris une dimension planétaire.

Bien au-delà de ce drame, la dénonciation du racisme réunit sous le mot d'ordre « Black Lives Matter » (Les vies noires comptent), dans de multiples villes des Etats-Unis, un nombre considérable de manifestants, des noirs mais aussi des latinos, des blancs, toute une population mêlant jeunes et moins jeunes, appartenant à l'ensemble des couches de la société américaine.

La nation qui a porté voici deux ans à sa tête Donald Trump, dit « Assez ! » aux crimes commis par les forces de l'ordre (1 000 par an environ), rarement sanctionnés. Des crimes dont est victime prioritairement la population noire.

Depuis le lynchage de ce jeune adolescent Emmet Till (1955) qui avait osé siffler une blanche, depuis les assassinats de Malcolm X (1965), de Martin Luther King (1968), la situation n'a cessé de se dégrader, facilitée par le deuxième amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté pour tout citoyen d'acquérir et de porter une arme à feu ainsi que par le racisme systémique qui règne dans la police.

Ces comportements criminels des forces de l'ordre, trouvent leurs racines dans la ségrégation raciale qui a longtemps sévi dans ce pays qui, s'il fut celui de l'esclavage et de l'apartheid, est dans le même temps considéré comme la plus grande démocratie au monde.

En France, ces derniers faits se sont télescopés avec le dépôt d'un énième rapport d'expertise médicale dans le cadre de l'instruction menée par trois magistrats consécutivement au décès, il y aura bientôt quatre ans (juillet 2016), d'un jeune noir de 24 ans dans les locaux de la gendarmerie de Persan (Val d'Oise). Des rapports d'expertise qui se contredisent les uns les autres, consécutivement au décès de ce jeune homme qui, selon le Procureur était sous l'effet de produits stupéfiants au moment de sa mort et souffrait d'une malformation ainsi que d'un problème infectieux. Pour la famille, sa mort serait la conséquence d'une « asphyxie positionnelle », induite par un « plaquage ventral » qui aurait été pratiqué. La recherche des causes de la mort n'a, en l'état, apporté aucune certitude. L'instruction se poursuit.

Le samedi 2 juin, bravant l'interdiction de se réunir en raison de la crise sanitaire, quelques 20 000 personnes se sont rassemblées aux abords du palais de Justice de Paris mêlant dans leur dénonciation, le crime commis par un agent de police à Minneapolis, le décès survenu en juillet 2016 en France de ce jeune homme qui fêtait son vingt-quatrième anniversaire, le racisme et la brutalité des forces de police dont auraient été victimes selon les manifestants, les zadistes, les « gilets jaunes », plus généralement, les mouvements de protestation.

L'actualité foisonne effectivement de comportements inadmissibles de la part de certains policiers qui, ce faisant, déshonorent leurs auteurs mais entachent en même temps, la réputation des forces de l'ordre.

Le ministre de l'intérieur, lors de son intervention du 8 juin a demandé qu' « une suspension soit systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré d'actes ou de propos racistes ». Un changement de ton pour celui qui, il y a encore peu, niait l'existence de « violences policières » .

Concernant ces violences, l'interdiction de la « clé d'étranglement » utilisée par les forces de l'ordre pour maîtriser un individu, constitue également un signe d'apaisement. Ne devrait-il pas en être de même concernant le « plaquage ventral » autre technique également utilisée et mise en cause dans le décès du jeune Traoré ?

C'est la technique désormais interdite, qui, l'hiver dernier, a été utilisée par un membre des forces de l'ordre lors de l'interpellation d'un livreur sur les quais de Seine à Paris. C'était le 3 janvier dernier, un homme de 42 ans, père de 5 enfants, est interpellé d'une façon « très musclée », une vidéo en atteste. Une « clé d'étranglement » est pratiquée. Cédric Chouviat décède deux jours après à l'hôpital. L'autopsie du corps révélera que le décès est du à une « manifestation asphyxique » avec fracture du larynx. Le policier a été mis en examen pour « homicide involontaire ». En somme, un banal accident...

Il semblerait également, selon les déclarations ministérielles, qu'une réforme des deux institutions qui contrôlent la gendarmerie nationale et la police nationale (IGGN et IGPN), soit envisagée. En l'état, il n'existe aucune indépendance de ces deux organes chargés des contrôles, du corps sur lequel s'exerce leur mission. Une telle institution, devrait bénéficier de garanties lui permettant d'instruire et si nécessaire de sanctionner avec une liberté totale d'appréciation, ce qui n'est point le cas actuellement. Si une telle réforme était réalisée, gageons que les procédures que l'IGPN et l'IGGN transmettent aux parquets aux fins de poursuites judiciaires, seraient bien plus nombreuses.

Il ne s'agit nullement de démunir les forces de l'ordre ou de faire peser sur elles un soupçon qui serait pour la très grande majorité immérité. Il s'agit seulement que la France soit dotée de forces de sécurité irréprochables, à la hauteur d'une grande démocratie.
Les membres de ces corps accomplissent une mission périlleuse, utile à la population. Ils doivent conserver les moyens d'interpeller sans exposer leurs vies. Il appartient à nos gouvernants et notamment au ministre de l'intérieur, de faire respecter les exigences de sécurité à l'égard de ses subordonnés mais également d'exiger d'eux le strict respect de leur déontologie et en particulier, de la dignité et de l'intégrité de tout un chacun.

Les mesures dès à présent adoptées ou en discussion, constituent un progrès et signifient une prise de conscience en haut lieu de la gravité de la situation qui explique aussi la césure qui s'approfondit entre la jeunesse du pays et les forces de l'ordre. Il y a urgence à revoir la formation des jeunes recrues concernant le respect des droits de l'homme, à rappeler en permanence à l'ensemble des membres des forces de sécurité les règles déontologiques, toutes choses qui permettront d'apaiser les tensions.

Ces tensions ne sont pas univoques. On se souvient des différents épisodes des « gilets jaunes » infiltrés par les black-blocs dont la seule préoccupation était de faire dégénérer le mouvement de protestation en scènes de violences, de destructions. Comment oublier ce policier pris à partie, qui faute d'avoir été secouru par ses collègues, aurait été lynché par les « manifestants ».

On ne peut aussi passer par pertes et profits l'action des forces de police lors des attentats terroristes de janvier 2015. Ces policiers qui étaient applaudis lors de la grande manifestation parisienne où les participants entendaient montrer leur solidarité avec les victimes, leurs familles, mais aussi avec tous ceux qui avaient oeuvré, en exposant leur vie, pour désarmer la folie meurtrière.

Le retour au calme implique de réfléchir aux raisons qui ont amené à la création d'un fossé qu'on ne voudrait pas insurmontable entre la police républicaine et les jeunes des banlieues, vocable utilisé pour désigner la jeunesse noire et maghrébine. Celle qui a 20 fois plus de risques d'être contrôlée par la police selon le Défenseur des Droits...

Les origines de cette situation sont pour certaines, historiques. On constate encore aujourd'hui que les plaies de la colonisation n'ont pas totalement cicatrisé. Un urbanisme souvent dégradé, une précarité toujours plus grande ont également contribué à élargir le fossé.

La République a peut-être baissé la garde concernant l'éducation, la transmission des valeurs, l'enseignement des fondements de nos institutions. Ainsi, n'est-il jamais inutile de souligner les apports de la laïcité à notre pays, la place du religieux dans la société française.

Avec la crise sanitaire qui nous a frappé et continue de nourrir nos préoccupations, ses conséquences humaines mais aussi économiques et sociales, la France se retrouve à l'arrêt. Le temps de reprendre son souffle et de repartir de l'avant.

Elle ne pourra se redresser que réconciliée. Elle a su l'être dans les grands moments de sa longue et riche histoire. Il en a été ainsi notamment lors des deux guerres mondiales qui ont marqué le siècle dernier. Au cours de ces conflits, on a vu les tirailleurs africains, les combattants venus du Maghreb, la jeunesse parisienne ou des provinces, faire sous le même drapeau, le sacrifice de leurs vies.

Ces sacrifices nous obligent. Au respect mutuel, à nous unir au-delà de nos différences, en résumé, à ne plus avoir à poser un genou à terre.

 

 

 

 

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