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Mes réactions à l'actualité politique intérieure et internationale, sociétale, sociale .... .... Avec légèreté, chaque fois que je le peux ! Je fais mienne la formule de Philippe Meyer (Mammifère omnivore) "Nous vivons une époque moderne !"

« Terroriser les terroristes » ?

 

La formule date de mars 1986, elle est de l'ancien Ministre de l'Intérieur du gouvernement Chirac, Charles Pasqua.

Il s'agissait alors du vote des « lois Pasqua » censées lutter contre le terrorisme, qui seront adoptées par l'Assemblée Nationale le 7 août 1986. Si la formule resta célèbre, elle ne put empêcher que soit perpétré en septembre de la même année, l'attentat le plus meurtrier, à Paris rue de Rennes devant le magasin Tati. Il fit 7 morts et 51 blessés.

Si plus de 30 ans nous séparent de ces événements, la lutte contre le terrorisme reste bien d'actualité. Les attentats de Charlie, du magasin Hyper-cacher en janvier 2015 ainsi que tous ceux qui depuis ont suivi, sont dans toutes les têtes.

Il est certes du devoir de nos dirigeants de prendre toutes les dispositions pour protéger la population alors que de nombreux condamnés pour actes de terrorisme, vont prochainement sortir de prison.

Ainsi, alors qu'environ 500 personnes sont actuellement détenues en qualité de prévenues ou de condamnées dans des affaires de terrorisme islamiste, 43 devraient sortir dans le cours de l'année après avoir accompli leur peine, elles devraient être une soixantaine en 2021 et 46 en 2022.

En outre, plusieurs milliers de nos compatriotes se trouvent encore dans les lieux où l'Etat Islamique mène des opérations ou dans des camps de prisonniers contrôlés notamment par les forces kurdes et sont susceptibles de revenir en France et d'être appréhendés par les autorités.

C'est dans ce contexte que depuis le 17 juin, l'Assemblée Nationale examine une proposition de loi qui, si elle est adoptée, permettra qu'un Tribunal d'application des peines prononce différentes mesures coercitives : obligation d'habiter une commune, interdiction de paraître dans certains lieux et de rencontrer certaines personnes, obligation d'obtenir l'autorisation préalable d'un Juge pour changer d'emploi, obligation de pointer jusqu'à 3 fois par semaine dans un service de police ou de gendarmerie. La mesure qui pose le plus problème, concerne la possibilité de placer l'intéressé sous bracelet électronique pour une durée pouvant aller jusqu'à 20 ans. Ces dispositions rentreraient en application dès la libération du prisonnier.

Une telle série de mesures, si elle était soumise à referendum, serait à coup sûr plébiscitée par la population. Et pourtant...

Une peine qui se rajouterait à celle prononcée par les tribunaux pour sanctionner un délit ou un crime, de quoi faire hurler le juriste et au-delà, toute personne soucieuse du respect des droits de l'homme ! Il s'agirait, une fois encore, d'une illustration de ce qu'il est convenu d'appeler « la double peine ».

Il faut dire que sous le quinquennat Sarkozy, en 2008, un dispositif semblable avait été mis en place, par la loi instaurant la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Ce dispositif concernait les délinquants sexuels atteints de pathologies mentales.

Alors qu'en matière pénale lorsque le délinquant a accompli sa peine on considère qu'il a payé sa dette à l'égard de la société, de telles dispositions bafouent un principe essentiel du Droit.

On objectera avec raison qu'il est indispensable de protéger la population concernant des individus radicalisés ayant été incarcérés pour des motifs aussi divers que la tentative de rejoindre le théâtre des opérations en Syrie, la participation sur place aux combats menés par l'Etat Islamique ou la participation sur le territoire français à la préparation ou la réalisation d'un attentat islamiste.

Or, dès à présent, des dispositifs existent, permettant un suivi des sortants. Ainsi, depuis la réforme du renseignement pénitentiaire, l'administration du même nom, transmet au ministère de l'Intérieur les informations permettant de qualifier le besoin de surveillance d'un individu six mois avant la levée d'écrou.

En outre, la loi de sécurité intérieure de 2017 prise dans le cadre de la sortie de l'état d'urgence, a introduit les mesures de contrôle administratif et de surveillance telles que le pointage ou l'assignation à ne pas quitter un périmètre.

Ces mesures se combinent avec celles prises par l'administration pénitentiaire en matière de lutte contre la radicalisation violente au cours de la détention, notamment par la mise en place des quartiers d'évaluation de la radicalisation.

Si l'objectif de la proposition de loi actuellement examinée est de « prévenir les risques de passage à l'acte », l'actualité nous a apporté la preuve que le bracelet électronique n'est pas l'arme absolue qui protégera immanquablement la population. La préparation de sortie de prison, le suivi de l'individu libéré, permettront bien d'avantage de faciliter sa réinsertion et de prévenir toute réitération.

Les mesures de surveillance électronique qui pourraient être mises en place, concerneraient les personnes présentant « une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé » de commettre un acte terroriste. Ceci suppose l'évaluation de la « dangerosité » du détenu prochainement libéré de prison et notamment le risque de récidive.

C'est en raison de la difficulté à apprécier la « dangerosité » d'un individu, que dès 2015, concernant les infractions à caractère sexuel, on avait envisagé la suppression des peines de sûreté mises en place sous le précédent quinquennat.

Une peine de suivi socio-judiciaire prenant effet à la sortie de prison est à l'heure actuelle, la plupart du temps prononcée en matière de terrorisme.

Le fait de confier à un Juge de l'application des peines, la responsabilité de devoir se prononcer sur l'éventuelle « dangerosité » d'un individu, amène un magistrat de la Cour de Cassation à s'interroger en ces termes : « Quel magistrat va prendre le risque d'affirmer pour un condamné terroriste qu'il n'y a pas de risque de récidive dans la durée ? ». Et de compléter son interrogation par cette réflexion de bon sens : « Un bracelet électronique pendant dix ans, si ce n'est pas une peine, je ne sais pas ce que c'est ».

En 1840 est apparue la notion de « classes dangereuses ». Celle-ci servait à distinguer ceux qu'il fallait contrôler au moyen de nouvelles institutions parmi lesquelles la prison, de ceux auxquels on pouvait accorder certains des privilèges de la citoyenneté.

Nombre de criminologues ont considéré que l'on a tendance à diaboliser ce que l'on ne connait pas.

Plutôt que de tenter d'inventer des protections qui reposeraient sur la subjectivité de tel ou tel chargé d'apprécier la « dangerosité » d'un individu, mieux vaut utiliser les outils pluridisciplinaires dès à présent à disposition de l'Administration pour lutter efficacement contre la récidive et ce faisant, protéger au mieux la population.

 

 

 

 

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