Après la démocratie, la « démocrature » ? 2ème PARTIE

Le Monde, mercredi 13 juin 2018

Suite...

..... Les dangers ne s'arrêtent pas aux frontières de ces pays, puisqu'en Autriche, l'extrême droite participe au gouvernement après les législatives du 15 Octobre 2017 qui ont vu le FPO remporter 91 sièges avec 26 % des suffrages.

Aux Pays-Bas, lors des législatives du 15 Mars 2017, le "Parti pour la Liberté" de l'extrémiste Geel Wilders, est arrivé en deuxième position avec 20 sièges.

Où s'arrêtera en Europe, la dérive nationaliste et populiste ?

Bien difficile de le dire.

On peut toutefois affirmer que la situation n'est pas meilleure dans les autres grandes démocraties.

Aux portes de l'Europe, Recep Tayyip Erdogan accède en 2003 au poste de Premier Ministre de la Turquie. En 2014, il est élu Président de la République. Dans ce grand pays situé aux confins de l'Europe et de l'Asie, de plus de 82 millions d'habitants, candidat à l'adhésion à l'Union Européenne, on assiste depuis quelques années à une dérive autoritaire du pouvoir qui ne laisse pas d'inquiéter les démocraties. Consécutivement à une tentative de coup d'Etat dont il aurait été victime en 2016, Erdogan a fait emprisonner plus de 50 000 de ses concitoyens et a fait licencier plus de 100 000 fonctionnaires. Celui qui se rêve en successeur du prophète, voit dans la France de la laïcité son ennemi principal. L'Europe ayant eu la mauvaise idée de confier au calife d'Ankara la régulation de l'entrée des migrants sur son territoire, elle pourrait, dans un proche avenir, le regretter amèrement.

En Novembre 2016 les Etats-Unis ont placé à leur tête, un singulier personnage dont la préoccupation première semble être de défaire ce qu'avait construit son prédécesseur. Il en a été ainsi des accords de Paris sur le climat, desquels les Etats-Unis viennent de se retirer.

De longues et difficiles négociations avaient permis à la communauté internationale de trouver un accord avec le régime des mollahs afin que l'Iran n'accède pas au rang de puissance nuclèaire. De l'avis de l'AIEA (l'agence internationale de l'énergie atomique), l'Iran respectait les engagements souscrits. Voilà que Monsieur Trump retire la signature donnée par Obama et menace de graves représailles les acteurs économiques qui, en application de l'accord signé, poursuivraient leurs relations avec l'Iran .

Par quoi a-t-il prévu de remplacer cette convention ?

Par rien, sinon les menaces et les invectives !

C'est ce même personnage qui, après avoir donné son accord sur des engagements internationaux lors du dernier G7 au Canada, dans l'avion de retour, se ravise et fait savoir qu'il retire sa signature de la déclaration commune.

Il est vrai que, rencontrant quelques heures plus tard, le 12 Juin, le dictateur le plus sinistre de la planête (ma photo de la semaine), le Président des Etats-Unis s'extasiait :  « C'est un honneur, nous allons avoir une relation formidable ». Ses alliés occidentaux n'avaient pas eu droit aux mêmes égards.

Ainsi va le monde en ce début de XXIème siècle.

J'aurais pu compléter la liste avec les Philippines qui, depuis le 30 Juin 2016 ont comme Président Rodrigo Duterte. Celui-ci est accusé par les organisations internationales de défense des Droits de l'Homme d'avoir participé, dans les années 90, aux escadrons de la mort. Aux Européens qui s'inquiétaient de ses méthodes de lutte contre la criminalité, il leur a demandé d'aller « se faire foutre » !

J'aurais pu également évoquer la situation en Egypte où le Maréchal al-Sissi a organisé le coup d'Etat de Juillet 2013 contre le Président islamiste Mohamed Morsi. Réprimant sévèrement toute forme d'opposition, il est élu Président en Mai 2014. Lors des dernières élections de 2018, il fait emprisonner ses éventuels concurrents ou les « dissuade » d'être candidats. Il sera réélu pour un second mandat le 2 Avril 2018 avec 97 % des voix. A noter que son seul adversaire, était l'un de ses partisans.

La France est le premier fournisseur d'armes de l'Egypte (armes de guerre, Rafale, navires de guerre). Sur la période 2013-2017, les ventes d'armes de notre pays ont été multipliées par 18.

Dans le village planétaire, le pôle démocratique se réduit toujours d'avantage. Comme on l'a vu, ce mouvement touche depuis plusieurs années des pays longtemps considérés comme berceaux de la démocratie.

Le temps où le monde était divisé en deux camps est bien révolu.

Plus que jamais, nos consciences doivent être en alerte. Le pire n'est pas forcément derrière nous.

Si vous avez eu la patience de me suivre dans ce tour d'horizon, je voudrais en terminer sur un message d'espoir que nous avons le devoir de nous approprier :

« Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau. » (Alexis de Tocqueville).

Vivement la prochaine génération !