27 Juillet 2024
Dans la série "Cherchez la femme", titre de mon dernier billet, la réélection au premier tour par 562 voix sur 699, à la tête du Parlement européen, de la maltaise Roberta Metsola a apporté une nouvelle pierre à un édifice qui, pas à pas, se construit sous nos yeux.
Chez nous, le prochain Premier ministre sera-t-il une nouvelle Première ministre ? La désignation le 23 juillet dernier de Lucie Castets par le Nouveau Front Populaire pour occuper le poste, n'a pas dû échapper à l'Elysée même si lors de l'entretien qu'il a accordé à la télévision, Emmanuel Macron s'est bien gardé de citer le nom qui venait d'être rendu public.
On a quand même compris que madame Castets n'était pas le premier choix du Président. En constatant qu'il résulte du dernier scrutin que les français votent majoritairement à droite, en affirmant qu'il convient de constituer un gouvernement « stable » alors qu'il manque au NFP plus de 100 sièges pour pouvoir revendiquer une majorité absolue, le Président a bien fait comprendre que ce n'était pas de ce côté de l'échiquier politique qu'il recherche celui ou celle qui conduira le prochain gouvernement. Il a donc donné rendez-vous aux français aux alentours du 15 août soit après la « trêve olympique ».
Il y a donc urgence à constituer un gouvernement « de plein exercice ». L'actuel, chargé de gérer les affaires courantes, ne peut présenter le budget pour 2025 lequel devra être ficelé pour début octobre prochain.
Le choix présidentiel, en l'état des forces qui se dégagent de la nouvelle Assemblée, se réduit comme peau de chagrin. Emmanuel Macron l'a relevé avec raison, la leçon à tirer du second tour des législatives, c'est que les français n'ont pas souhaité donner une majorité absolue à l'extrême droite et, ce faisant, lui apporter les clés de Matignon. Il n'empêche que le Rassemblement National est le premier parti du pays en nombre de députés siégeant actuellement à l'Assemblée. Le NFP est une coalition de circonstance, formée par plusieurs partis de gauche au lendemain de la dissolution avec un objectif, parvenir à obtenir à l'Assemblée une majorité absolue, objectif qui n'a pas été atteint à l'issue du second tour.
Dès lors, à ce jour, aucune des trois forces en présence, ne peut prétendre répondre au voeu présidentiel de constitution d'un gouvernement stable. On peut rajouter que les formations qui soutiennent le "bloc présidentiel", se situent désormais en deuxième position derrière le NFP. Le Président, lors de son dernier entretien télévisé, a, un peu tardivement, osé le mot de "défaite".
Dans un pays comme l'Allemagne, cette situation est fréquente. On recherche alors une coalition de partis ce qui nécessite pour chacun, l'acceptation de négocier pour parvenir à un accord. L'exigence posée par Mélenchon, « le programme, tout le programme », n'est pas l'option privilégiée et il faut convenir que nos voisins allemands ne s'en sortent pas si mal. Cela nécessite toutefois une aptitude qui paraît faire défaut à la classe politique française, je veux parler du sens du compromis.
Si l'on regarde dans le rétroviseur, après le succès engrangé par le RN à l'issue du premier tour des législatives, à la surprise générale, un front républicain que l'on croyait mort, s'est reformé pour faire barrage à l'extrême droite. Bilan, compte tenu des retraits de candidatures intervenus, on a vu les électeurs de droite y compris les Républicains, aller voter pour le candidat du NFP y compris quand celui-ci avait l'étiquette La France Insoumise. De même, au nom de la même nécessité de faire barrage à l'extrême droite, on a vu les électeurs du NFP aller apporter leur suffrage au candidat de la macronie ou des Républicains. De fait, l'arc républicain s'est trouvé modifié dans ses extrêmes puisque des députés élus à l'Assemblée, seuls ceux étiquetés Rassemblement National s'en trouvent désormais exclus.
Cette situation a permis d'atteindre le but recherché à savoir, priver l'extrême droite d'une majorité absolue qu'elle pouvait entrevoir à l'issue du premier tour. Ce front républicain fut tellement performant que le parti de monsieur Bardella fut rétrogradé à la troisième place derrière le NFP mais aussi, derrière le bloc central macroniste.
Ce front républicain qui avait remporté le bras de fer qui l'opposa à l'extrême droite, avait une obligation : en l'absence de majorité absolue permettant à l'un des deux premiers blocs de bénéficier d'une majorité lui permettant de constituer un gouvernement stable, de se concerter afin de s'accorder sur une série de sujets permettant la mise en place d'un gouvernement de coalition. Vous m'objecterez que ce n'est pas possible tellement sont éloignés les projets des uns et des autres. Si l'on fait un bref retour sur un passé pas si lointain, que fit le Général De Gaulle lorsque après la fin de la seconde guerre mondiale il appela les communistes pour participer au gouvernement de la Libération ? Un parti qui représentait alors le quart de l'électorat et avait des liens privilégiés avec l'Union Soviétique. Qui peut prétendre que les formations qui hier ont su reconstituer le front républicain et écarter ainsi le danger le plus grave qui menaçait le pays, ne peuvent aujourd'hui s'accorder sur de grands thèmes touchant au redressement économique du pays, à la Sécurité, à la Santé, à l'Education, au progrès social enfin, à la place de la France dans un monde tourmenté et devenu dangereux ?
Si notre classe politique n'a pas le courage de faire dans les semaines à venir un tel choix, c'est, peut-être dans une situation périlleuse pour nos institutions, que les français seront amenés à trancher et pourraient bien, à cette occasion, tirer les conséquences de ce qu'ils considéreraient comme une veulerie et une trahison de la classe politique. Si une telle situation venait à se produire, on sait déjà au bénéfice de qui elle pourrait se résoudre. Cette solution se déclinerait alors au féminin mais il ne resterait plus à « l'arc républicain » qu'à se désoler d'avoir fait un si mauvais usage de la confiance que les électeurs lui avaient accordée...
Notre classe politique qui porterait alors l'entière responsabilité, doit urgemment cesser de jouer avec le feu. La maison brûle et certains regardent ailleurs...