21 Juin 2019
Le Monde du 21 juin 2019 ; Le Plantu du jour.
Le 2 0ctobre 2018 le journaliste Jamal Khashoggi, en vue de son prochain mariage, se rendait dans les locaux du consulat de son pays, l'Arabie Saoudite, à Istanbul. Il n'en ressortira pas vivant.
Dans un premier temps l'Arabie Saoudite soutiendra qu'il est bien sorti du consulat par une porte dérobée... pour finalement admettre qu'il a été tué par une équipe venue tout spécialement de Ryad pour accomplir cette sale besogne.
L'Arabie Saoudite donnera plusieurs versions sur les circonstances du décès de celui qui, après avoir été un proche de la maison des Saoud, était devenu un opposant au prince héritier Mohamed Ben Salman (MBS) et avait dû trouver refuge aux Etats-Unis. Il était chroniqueur au Washington Post.
Après cet assassinat, aux Etats-Unis, la Maison Blanche sera surtout préoccupée par le fait de ne pas altérer les excellentes relations qu'elle entretient avec l'Arabie Saoudite et que le Président Trump a nouées avec le Prince héritier.
Peu après la révélation de ces faits, Emmanuel Macron était interrogé par un journaliste sur l'attitude de la France concernant les ventes d'armes à l'Arabie Saoudite (plus de 11 milliards d'euros sur 10 ans).
Ce 23 octobre, la réponse du Président fut cinglante : « Je n'y répondrai pas ». (Mon Billet d'Humeur du 24/10/2018 : « Je n'y répondrai pas »).
Le rapport publié le 19 juin par la représentante du Conseil des Droits de l'Homme des Nations-Unies , Agnès Callamard, mettant en cause le Prince héritier et demandant l'ouverture d'une enquête internationale, est accablant pour les autorités de Ryad.
Après 6 mois d'enquête, il apparaît que, comme on le savait, la responsabilité de l'Arabie Saoudite est totalement engagée dans cet assassinat. Concernant MBS, le commanditaire du meurtre selon la CIA, le rapport estime qu'il n'est pas imaginable qu'une mission d'une telle importance ait pu être mise en œuvre, sans que le fils du roi Salman, véritable détenteur du pouvoir, n'ait été au minimum informé.
Il en ressort que le commando de 15 membres arrivé de Ryad, a administré à Jamal Khashoggi une injection létale avant que son corps qui n'a jamais été retrouvé, ne soit démembré.
Le journal Le Monde publie des extraits de conversations enregistrées auxquelles la rapporteuse des Nations Unies a eu accès. Ainsi, le 2 octobre 2018, juste avant l'arrivée de Monsieur Khashoggi dans le consulat, un colonel des renseignements saoudiens considéré comme le chef du commando et le médecin légiste qui a découpé le corps du journaliste, ont c'est échange : « Est-ce que ce sera possible de mettre le tronc dans un sac ? » interroge le premier. « Non ce sera trop lourd » répond le second. Qui rajoute : « Les articulations seront séparées, ce n'est pas un problème. Si nous prenons des sacs en plastique et que nous le coupons en pièces, ce sera terminé... ».
Après cet assassinat, l'Arabie Saoudite a mis tout en œuvre pour dissimuler le crime. Ainsi, le consulat a été passé au peigne fin pour détruire les indices pouvant subsister. Ce n'est que le 15 octobre que la police turque pourra accéder à la scène du crime.
Les micros cachés dans le consulat d'Arabie Saoudite ont toutefois permis d'établir le déroulement des faits.
Parmi les membres du commando qui a opéré, des proches de MBS dont l'un de ses conseillers.
Agnès Callamard considère qu'il « existe des éléments de preuve crédibles justifiant une enquête supplémentaire sur la responsabilité individuelle des hauts responsables saoudiens, y compris celle du prince héritier ».
Dès lors, le rapport appelle la communauté internationale a placer MBS sous sanctions, en gelant notamment ses avoirs personnels à l'étranger.
Quelle sera la réaction de l'ONU à la publication de ce rapport ? Comme demandé, une commission d'enquête internationale sera-t-elle mise en place ?
Pour l'heure, la rapporteuse relève qu'aucune capitale n'est intervenue pour permettre aux enquêteurs turcs d'accéder rapidement à la scène du crime, mais que bien au contraire, « il semble que les Etats n'ont pris en considération que leurs intérêts ».
Il paraît illusoire d'attendre le soutien des Etats-Unis pour mettre en place la commission d'enquête internationale réclamée par le rapport.
Quant à la France, fera-t-elle prévaloir le Droit International et les valeurs de Justice et d'Humanité comme le lui demande le rapport de l'ONU ou bien s'abritera-t-elle derrière un nouveau « Je n'y répondrai pas » ?
Récemment, il est apparu de plus en plus clairement, que les armes que nous vendons à l'Arabie Saoudite sont utilisées à des fins « offensives » contre les populations civiles dans la guerre menée par ce pays au Yémen (Mon Billet d'Humeur du 5/10/2018 : "Au Yémen, silence. On tue).
L'Arabie Saoudite, aux cotés des Etats-Unis de Donald Trump, est totalement impliquée dans la grave crise qui oppose ces pays à l'Iran et qui fait courir de graves dangers à la paix mondiale.
Il est grand temps que la patrie des Droits de l'Homme, au-delà de ses gains immédiats résultant du commerce des armes, fasse prévaloir les valeurs qui forment le ciment de notre nation face au comportement d'un « Etat voyou » pour reprendre la terminologie utilisée par un certain George W. Bush après le 11 septembre 2001.
MBS et le Président Macron.