P comme Picasso, P comme Palmyre

A l'occasion d'un récent séjour parisien, à l'Institut du Monde Arabe, je suis resté sans voix devant les dégâts provoqués par la folie humaine à Palmyre.

Peu après, c'était au Musée d'Orsay dans le cadre de l'exposition « Picasso Bleu et Rose », je suis tombé en extase devant le tableau intitulé La Tragédie (Les Pauvres au bord de la mer) peint à Barcelona au début de l'année 1903.

Pourquoi rapprocher ces deux visites?

De la destruction de Palmyre à la magnifique œuvre peinte par Picasso, une infinie tristesse vous envahit : Beauté et douleur se mêlent intimement...

Lorsqu'il peint « La Tragédie », Picasso est de nouveau à Barcelona où il est revenu à la mi-janvier 1903 après son séjour à Paris débuté en Octobre 1900. Avant son départ, avec son ami Carles Casagemas, Picasso avait déjà occupé l'atelier dans lequel il s'installe à nouveau, 17 riera de Sant Joan,.

La faim et le froid que les artistes ont connu à Paris, seront la source d'inspiration de plusieurs tableaux, parmi lesquels « Les pauvres au bord de la mer » représentant une famille de miséreux, pieds nus sur une plage.

Une impression de souffrance, de désespoir, se dégage de cette œuvre.

Ces mêmes sentiments auxquels s'ajoutent l'impuissance et l'horreur, on les ressent lors de la visite de l'exposition « Cités millénaires. Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul ».

Il s'agit là d'explorer « la place du patrimoine bâti » dans l'histoire mouvementée que connaît le monde arabe à travers quatre sites de première importance : Mossoul la capitale irakienne, Alep et la grande mosquée des Omeyyades, Leptis Magna fondée par les Phéniciens et située en Libye, enfin, l'antique Palmyre située dans l'ouest de la Syrie.

C'est donc à un voyage virtuel que nous sommes invités à travers ces quatre sites.

On entre dans un monde en ruine, où la beauté a cédé la place à la désolation.

La magie du numérique permet, l'espace d'un instant, de faire revivre les plus beaux édifices.

De Juin 2014, date à laquelle Mossoul est tombée entre les mains de l'Etat islamique à Juillet 2017 date de sa libération, cette ville, construite sur la rive ouest du Tigre aux cotés de l'ancienne Ninive située sur la rive Est, sera ravagée. La mosquée al-Nouri construite au XIIième siècle, sera dynamitée le 21 Juin 2017 par l'E.I. défait. De même l'église Notre-Dame de l'Heure, sera détruite par les djihadistes. Seules les colonnes sont encore debout comme un défi lancé à ses destructeurs.

Alep, habitée depuis plus de 4000 ans, deuxième ville de Syrie, verra le minaret de la mosquée des Omeyyades datant de 1090, s'effondrer le 24 avril 2013.

A Palmyre, les magnifiques édifices, témoins de la grandeur de cette cité, seront systématiquement minés et détruits après sa prise par l'E.I. le 21 mai 2015. Le plus grand temple de la cité, dédié à Bêl et consacré en l'an 32, fut dynamité le 30 Août 2015, face aux caméras...

Quinze ans auparavant, en 2001, nous avions assisté impuissants et horrifiés, à la destruction des bouddhas de Bâmiyân.

Aujourd'hui d'autres sites sont menacés. Jusqu'où ira la folie humaine ?

Cette misère que Picasso peignait voici plus d'un siècle dans « La Tragédie » prendra toute sa dimension d'effroyable sauvagerie quelques dizaines d'années plus tard dans « Guernica ».

Les miséreux du bord de mer peints il y a plus d'un siècle, ont cédé la place à tous ceux qui, sans domicile, implorent une aide qui, le plus souvent, leur est refusée.                                                                                                     Pour que nous ne connaissions plus de nouveau Palmyre, il est plus que temps de s'attaquer aux racines du mal.

A défaut, on peut dire, sans peur de se tromper, que le pire est à venir.