5/11/2017 Au revoir Le Monde !

Au revoir Le Monde !

Vous ne perdrez pas un abonné car je ne l'ai jamais été. Toutefois, depuis l'age de 18 ans (j'en aurai 71 le 10 Novembre prochain), rares ont été les jours où je ne me suis pas rendu chez mon marchand de journaux pour m'imprégner des analyses que je trouvais dans « mon » quotidien.

Fils d'un immigré espagnol natif de la Pobla de Segur (Province de Lérida) j'ai bénéficié de l'école de la République et bien que d'origine modeste, j'ai pu effectuer des études qui m'ont amené à m'inscrire au Barreau, d'abord à sa création en Seine Saint-Denis puis à celui d'Albi.

Retraité à compter du 1er Avril 2008, j'avais été, quinze jours auparavant, élu maire de mon village d'origine, Latour de France, où je réside depuis lors.

En raison, notamment, de mes origines, mes choix de citoyen, tout au long de mon existence, n'ont pas toujours été simples. Les analyses du Monde, m'ont été d'un précieux concours.

Depuis plus d'un mois, je vis très douloureusement la crise qui secoue le Pays Catalan. Je parle bien sûr, de la Catalogne sud.

Je n'ai jamais été indépendantiste. Je considère toutefois, que le peuple catalan peut légitimement revendiquer son droit à l'autodétermination.

L'histoire, les traditions, la langue, la culture, tout ce qui fait de la Catalogne une nation, sont-elles de nature à justifier la mise en place d'une structure étatique distincte du cadre de l'Espagne ?

On est en droit d'apporter des réponses différentes, tout aussi légitimes les unes que les autres.

Toutefois, en raison des événements qui se sont produits ces derniers jours, la question de l'indépendance a, me semble-t-il, cédé la place à une réflexion plus fondamentale qui est celle du respect des valeurs démocratiques au sein d'un pays, l'Espagne, membre de l'Union Européenne et à ce titre, qui se doit de respecter les principes sur lesquels reposent nos institutions.

A juste titre, le Monde relève régulièrement les entraves à la démocratie qui se manifestent dans un certain nombre de pays parmi lesquels la Hongrie et la Pologne, tous deux membres de l'Union Européenne.

Dix responsables associatifs et politiques, partisans de l'indépendance, sont à ce jour incarcérés et la liste risque fort de s'allonger dans les prochains jours.

Ces détenus ont-ils menacé, violenté, ceux qui ne partagent pas leurs idées ?

Force est de constater que leur incarcération est motivée par la mise en œuvre de leurs convictions politiques à travers le processus d'indépendance mis en place.

Cela ressemble fort à un délit d'opinion.

D'autres moyens étaient à la disposition des autorités espagnoles pour, dans le cadre des poursuites engagées, garantir la représentation en justice, des inculpés.

Est-ce bien, comme l'affirmait l'éditorial du Monde du 29/30 octobre la « démocratie » qui a été mise en place par les autorités de Madrid depuis la proclamation de l'indépendance par une majorité du Parlement catalan ayant la légitimité du suffrage universel ?

Qu'il me soit permis d'en douter. « L'équilibre » du journal dont le médiateur se prévalait récemment me paraît avoir été abandonné au profit d'un alignement pur et simple du Monde sur les thèses défendues par l'Etat espagnol.

Pas plus que les dirigeants de l'UE et des différents pays qui la composent, vous n'avez réagi à l'annonce de l'incarcération des dirigeants politiques catalans.

Comme je l'ai écrit dans un article que vous avez publié dans le blog des lecteurs, ces événements le confirment, l'Espagne n'a pas soldé les comptes du franquisme.

Cela ne vous émeut pas puisque, bien au contraire, face à la déclaration d'indépendance et à la réaction du gouvernement Rajoy, vous titrez

«  Place à la démocratie! »

Désormais nos routes se séparent après une idylle commencée voici plus de cinquante ans.

J'en suis profondément affecté.

Jean-José COLOMES